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L'e-commerce russe, un marché complexe mais à fort potentiel

Le directeur exécutif de Pixmania confie au JDN le portrait de l'e-commerce russe qu'il a dressé à l'occasion du Hub Forum Moscou.

"L'e-commerce russe a atteint 10 milliards de dollars en 2011, en croissance de 25% par rapport à 2010. 45% de la population russe est connectée à Internet, ces 55 millions d'internautes habitant en grande partie à Moscou et à St Petersbourg. 15 millions d'internautes achètent en ligne et le volume d'affaires de l'e-commerce se concentre sur quelques gros sites." A l'occasion du Hub Forum de Moscou organisé par Vincent Ducrey le 5 avril dernier, le directeur exécutif de Pixmania Ulric Jerome a récolté de nombreux indicateurs sur l'e-commerce russe et rencontré plusieurs e-marchands locaux, dont les deux principaux.

Le numéro 1 Ozon.ru, dirigé par la française Maëlle Gavet, a été fondé en 1998. Comme son modèle Amazon, l'e-commerçant a démarré sur le secteur des produits culturels puis techniques pour élargir ses activités jusqu'au voyage (110 millions de dollars de ventes en 2011 contre 30 en 2010 et 1,5 en 2009) et depuis février 2012 à la mode, au travers du rachat du numéro 3 Sapato.ru. "Ozon s'est beaucoup développé ces trois dernières années et a annoncé un volume d'affaires de 302 millions de dollars en 2011, en croissance de 84%", précise Ulric Jerome. Le numéro 2 KupiVIP est le Vente Privée russe, créé en 2008, qui a depuis donné naissance à l'usine à clones Fast Lane Ventures où  est né Sapato.

L'un comme l'autre ont réalisé des levées de fonds d'un niveau inconnu dans l'e-commerce français. Ozon a levé 100 millions de dollars en septembre 2011, notamment auprès du japonais Rakuten et de Baring Vostok Capital, qui demeure son actionnaire majoritaire. Quant à KupiVIP, le site a levé 20 millions de dollars en janvier 2010 auprès d'Accel Partners et Mangrove Capital Partners, puis 55 millions en avril 2011, investis par Russia Partners, Balderton Capital et Bessemer Ventures Partners.

Comme l'explique Ulric Jerome, la raison en est simple : "Les infrastructures logistiques et de transport russes ne sont absolument pas adaptées à la vente en ligne, les e-commerçants ne peuvent pas confier leur colis à la poste comme en France. En outre, le taux de pénétration de la carte bancaire se limite à 15%, à tel point que 80 à 90% des commandes de ces deux sites sont réglées à la réception du colis. Les e-commerçants doivent donc développer leur propre infrastructure logistique, ce qui nécessite des moyens colossaux."

Ainsi, KupiVIP et Ozon, qui réalisent près de la moitié de leurs ventes à Moscou et St Petersbourg, ont investi des millions pour couvrir le reste du pays. KupiVIP opère plusieurs centaines de camions à son nom, en partie en propre et en partie via des sous-traitants. Quant à Ozon, l'e-marchand a créé O'Courier, croisement d'un Fedex et d'un Kiala, qui livre dans ses 2000 points relais répartis sur près de 200 villes, Kazakhstan inclus. Ce qui ne résout pas tout : autant Ozon sait livrer en 24 heures à Moscou et St Petersbourg, autant pendant les 1 à 3 semaines nécessaires pour livrer ailleurs, le client a toutes les chances de s'être impatienté et d'avoir acheté au coin de sa rue. "L'e-commerce russe est donc réellement un métier à part, souligne Ulric Jerome. Ce qui explique aussi la domination des acteurs locaux et l'absence des e-commerçants internationaux comme Amazon ou Pixmania."

D'autant que les exceptions culturelles ne manquent pas non plus. Les consommateurs préférant ne pas avouer qu'ils ont acquis un article discounté, le principe du parrainage, qui avait si bien réussi à Vente Privée en France, n'est pas utilisable en Russie. "70% des fonds levés par KupiVIP ont donc été investis en communication", précise le directeur exécutif de Pixmania. Un e-marchand opérant une marketplace en Russie a pour sa part expliqué à Ulric Jerome qu'il voulait faire passer de 50% à 80% son "taux de conversion"... qu'il définit comme la proportion des commandes à la fois en stock et livrées rapportées à la totalité des commandes passées ! "On va assister à un assainissement parmi ces petits sites, qui permettra d'améliorer l'image de la vente en ligne auprès des consommateurs", assure le Français.

"Le marché russe apparaît donc difficile à pénétrer, à moins de moyens très conséquents, et nécessite des connaissances locales particulièrement solides, conclut Ulric Jerome. Il présente un très fort potentiel, mais sera piloté par des acteurs russes ou par des étrangers qui réaliseront des acquisitions d'e-marchands locaux." Le dirigeant ajoute qu'il existe un marché pour les sites de niche, d'autant que O'Courier propose désormais ses services aux marchands tiers. "Mais au-delà d'une certaine taille, seuls survivent ceux qui ont les moyens d'investir beaucoup : il n'y a pas de ventre mou. Les investisseurs préfèrent donc investir de gros tickets auprès de gros e-commerçants plutôt que des tickets moyens auprès d'e-marchands de taille moyenne."

Vincent Ducrey note enfin que l'écosystème entourant les e-commerçants est encore relativement embryonnaire. "La logique de structuration en corporation est en cours mais regroupe plutôt les acteurs étrangers, pour l'instant. Toutefois, les Russes sentent qu'ils doivent sortir de leur geek attitude. Le secteur se structure donc lentement, à l'image de son aîné européen." Le Hub Forum Moscou sera renouvelé chaque année.

Source : http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/e-commerce-russie-0412.shtml